Mise en place d'une stack responsable

Comment mettre en place une stack responsable ?

Comment assurer un développement d’applications éco-responsables et comment s’assurer que cette volonté imprègne toutes les étapes et toute la stack de développement ? Voici quelques conseils. 

Depuis quelques années, les démarches RSE se développent au sein des entreprises, encouragées et règlementées par des lois nationales et européennes qui encadrent leur mise en œuvre.  

Les logiciels font partie intégrante des axes de travail de ces démarches. La conception et le développement d’applications de gestion, nécessitant souvent de faire appel à une entreprise spécialisée qui accompagne et conseille, se rangent dans deux logiques : 

– Soit la création/l’adaptation d’applications sur mesure afin de soutenir la stratégie RSE de l’entreprise (IT for Green) 

– Soit la réduction de l’impact environnemental et social des applications liées aux opérations de l’entreprise (Green for IT) 

Être « responsable » implique de répondre de ses actes

Dans le sens positif du terme, une personne ou entité responsable est consciente de son environnement, de ses enjeux, de ses devoirs et des risques existants. Elle agit de manière rationnelle pour atteindre les meilleurs résultats, sans entraîner de dommages. Les logiciels – et par conséquent, leurs concepteurs – sont responsables de ce qu’ils gèrent : ce qu’ils traitent et comment, mais aussi ce qu’ils collectent pour transmettre, à qui et pourquoi.  

De son côté, l’équipe de conception et de développement doit pleinement comprendre les besoins à l’origine des fonctionnalités demandées, c’est-à-dire l’activité opérationnelle et son contexte ainsi que les obligations réglementaires et considérations environnementales et sociales afin de rationaliser ses efforts et d’améliorer l’impact numérique sans nuire aux performances. Plus précisément chercher à minimiser les émissions de carbone, la production de déchets électroniques ou en encore la consommation d’énergie tout en sécurisant les données et assurer le respect de la vie privée des utilisateurs. 

Une stratégie numérique responsable implique tous les métiers du numérique (project manager, product owner, UX et UI designers, développeurs, etc.) ainsi que les fournisseurs d’accès. 

Les étapes clés de la mise en place d’une stack responsable 

1 – Comprendre les besoins pour limiter le nombre de fonctionnalités d’une application 

Dans une entreprise, les nombreux logiciels déjà utilisés produisent souvent des résultats similaires ou proches des « nouveaux » résultats attendus d’un projet (par ex. : pour faire de la planification, différents outils comme Teams, iLuca, Jira, etc., le permettent déjà). Détecter les redondances et les priorités permet alors de faire des choix (ex : réduction du scope ou connexion d’outils tiers). 

– Au niveau économique: repenser le périmètre d’un projet dans une optique de sobriété numérique réduit généralement la facture de développement– qui peut facilement dépasser les dizaines de milliers d’euros – et permet en outre de réduire le temps nécessaire pour former les utilisateurs aux fonctionnalités, un coût souvent négligé dans les estimations budgétaires. 

– Au niveau environnemental: les data centers sont fabriqués avec des métaux rares, non renouvelables et non recyclables, extraits dans des régions en développement par des méthodes polluantes et dans de mauvaises conditions de travail. Rationaliser le besoin en ressources du fait du nombre de fonctionnalités permet d’éviter la multiplication des ordres et opérations des serveurs, sources importantes de gaz à effet de serre. 

– Au niveau légal/social: en limitant le nombre de fonctionnalités impliquant de la conduite du changement, les utilisateurs finaux (autrement dit les travailleurs) passent moins de temps à apprendre comment faire leur travail. 

2 –Demander ou collecter uniquement les informations spécifiquement nécessaires au fonctionnement du service 

La minimisation des données est bénéfique à la fois pour les entreprises qu’elles soient en B2B, B2G ou B2C et pour les clients. Le grand public, les travailleurs et les entreprises sont de plus en plus conscients de la valeur de leurs données professionnelles et personnelles et du risque de fraude ou d’appropriation abusive qui en découle. Certains systèmes d’information sont ainsi évités ou carrément rejetés à cause d’incertitudes ou d’inquiétudes quant à leur fiabilité. Estimer le besoin d’obtenir ou non certaines données, évaluer leur utilité réelle pour le fonctionnement du service et préciser clairement les droits utilisateurs/administrateurs : voilà une approche responsable sur tous les plans. 

– Au niveau économique: les coûts de sécurité associés aux procédures d’anonymisation, aux services d’authentification forte et autres moyens de préservation augmentent avec la sensibilité de la classification des données. Limiter les données permet donc de limiter les coûts et de concentrer le budget sur les données véritablement essentielles. 

– Au niveau environnemental: un data center consomme l’équivalent en eau de 6,5 piscines olympiques par jour, l’équivalent en énergie de 80 000 foyers, et ses terminaux en fin de vie génèrent plusieurs millions de tonnes de déchets chaque année. En évitant de stocker des données non contrôlées et non utilisées, vous pouvez réduire le nombre de machines nécessaires dans votre data center. 

– Au niveau légal/social: la limitation à leur utilité dans le cadre du service et la transparence sur l’usage des données crée de la confiance chez les utilisateurs, favorise l’adoption d’une solution, limite la gravité de potentielles fuites de données/cyberattaques qui pourraient nuire à une entreprise ou la paralyser et évitent les poursuites judiciaires et sanctions pour non-respect du RGPD. 

3 – Actualiser régulièrement les fonctionnalités et tenir les technologies à jour 

La maintenabilité des logiciels est cruciale d’un point de vue fonctionnel et technique, en particulier pour les entreprises qui utilisent des solutions sur mesure. Pour assurer la durée de vie d’un logiciel, il est dès lors important d’établir un plan méthodologique sur le long terme, en intégrant de bonnes pratiques de design centré sur l’utilisateur, et ce dès le stade du MVP (produit minimum viable) et pour toutes les versions ultérieures. 

– Au niveau économique : fonctionnellement : un outil qui n’est plus adéquat ou qui ne répond plus à un besoin réel sera abandonné au profit de nouveaux systèmes, avec pour conséquence des coûts supplémentaires en plus de l’outil déjà financé. Un projet qui n’est pas régulièrement passé en revue risque de perdre son utilité au fil du temps, subissant l’évolution de l’activité et des tâches qu’il devait initialement servir. Techniquement : un projet dont le code ne peut pas être réutilisé en raison d’un manque de main-d’œuvre formée risque de devoir être entièrement redéveloppé. En 2022, si certaines technologies étaient largement répandues, d’autres plus anciennes n’étaient utilisées que dans quelques secteurs de niche. 

– Au niveau environnemental : certaines technologies sont plus énergivores que d’autres   (ex : par rapport au langage C, Perl consomme 79,58 fois plus d’énergie et Python 75,88 fois plus. Ruby consomme 69,91 fois plus d’énergie que Rust, qui est quasi équivalent à C. Quant à C++, il consomme 1,34 fois plus que C, contre 1,70 fois plus pour Ada et 1,98 fois plus pour Java. Le choix de la technologie est donc aussi à penser en vert. 

– Au niveau légal/social: le Standish Group a publié en 2018 une étude selon laquelle 31,1 % des projets seraient interrompus avant même la fin du développement et jamais déployés, et 52,7 % dépasseraient de 189 % leur budget prévu, avec un impact plus ou moins important sur les activités de l’entreprise, et le risque de suppressions de postes et de plans sociaux. 

Des référentiels poussés commencent à voir le jour pour toutes les spécialités du numérique afin d’évaluer cette responsabilité, portés par des groupes de pensée tel que l’INR (anciennement le Club Green IT, fondé en France en 2014) qui propose par exemple une grille pour constater la durabilité d’un projet. Il est évident que les agences digitales et les éditeurs de logiciels ont tout intérêt à être les moteurs de cette démarche numérique responsable, à une époque où les rapports du GIEC soulèvent tant d’inquiétudes sur le climat. 

Sarah Lecoffre - Senior UX Designer

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