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Les super-Apps Asiatiques séduiront-elles l'Europe ?

En 2010, Mike Lazaridis, le fondateur de BlackBerry, est le premier à employer le terme « super-app. » Il décrit alors une super-app comme un « écosystème fermé de nombreuses applications que les gens utiliseraient tous les jours, car elles offrent une expérience fluide, intégrée, contextualisée et efficace. » En seulement quelques années, les « super-apps » ont réinventé l’expérience client des services en Asie, tandis qu’en Occident, le concept connaît plus de difficultés à s’imposer.

L’Asie a donné naissance aux super-apps les plus utilisées au monde. L’application de messagerie WeChat, en Chine, est la première à avoir diversifié ses services, mais aussi à s’être associée à divers partenaires allant du leader chinois de la réservation de taxis, Didi, à un grand acteur de l’e-commerce, JD.com, pour devenir progressivement un point d’accès incontournable aux services en ligne.  

WeChat a ensuite lancé le concept de « mini-programmes » permettant aux entreprises de créer indépendamment leurs propres mini-apps dans WeChat, et faisant croître exponentiellement le nombre de services accessibles dans WeChat. Le concept a rapidement gagné en popularité grâce au vivier d’1,25 milliards d’utilisateurs mensuels que recense le service de messagerie. Les pays voisins ont rapidement suivi la tendance : en Asie du Sud-Est, les super-apps Grab et Gojek s’inspirent du modèle WeChat. Elles rassemblent respectivement 24,7 millions et 38 millions d’utilisateurs mensuels. En Inde, l’application de paiement Paytm, dont Alibaba est l’un des principaux investisseurs, s’est imposée comme la référence des super-apps, en comptant plus de 350 millions d'utilisateurs.  

 

La clé du succès du modèle de super-apps: l’expérience client 

Les candidats au titre de super-app captent leur audience pour un usage ou une activité qui l’oblige à revenir dans l’app régulièrement. WeChat est ainsi devenu une super-app grâce à son activité de messagerie, Grab grâce à ses services de mobilité, et Alipay grâce à l’e-commerce et au paiement. Progressivement, les super-apps ont capitalisé sur cette audience et se sont associées à des partenaires pour diversifier leurs services. En croisant les données récoltées dans chacun des services, les super-apps accèdent à une quantité d’informations sur les habitudes des consommateurs qu’aucune autre application « classique » ne peut se targuer d’avoir. Ce sont précisément ces données qui seront clefs pour offrir l’expérience que le fondateur de Blackberry qualifiait de fluide, intégrée, contextualisée et efficace.  

Les super-apps peuvent notamment personnaliser les pages d'accueil afin de directement attirer l’attention des utilisateurs vers les services qui les intéressent au bon moment de la journée. Dans le cas de Grab, un utilisateur qui se sert de l’application pour définir son trajet vers son lieu de travail se verra automatiquement proposé chaque matin, un itinéraire adapté à son budget et accessible en un clic. Pendant son trajet, l’utilisateur reçoit des recommandations personnalisées de commerces situés sur son trajet dans lesquels il peut, par exemple, acheter son petit-déjeuner. L’utilisateur pourra ainsi réserver son petit-déjeuner en ligne et le récupérer sans avoir à faire la queue, lui faisant ainsi gagner du temps.   

A une époque où chaque utilisateur cherche à accéder le plus simplement possible à du contenu personnalisé, les super-apps répondent précisément à cette demande grâce à une expérience utilisateur parmi les plus personnalisées dans le monde de la tech.  

 

En Europe, certaines super-apps émergent 

En Occident, le terme « super-app » n’est pas aussi couramment utilisé.  

Pourtant, sans que la plupart des gens en prennent conscience, certaines applications comme Uber ou Amazon Pay sont quasiment devenues des super-apps. Uber se rapproche d’un modèle similaire à Grab, en s'étant d’abord spécialisé dans la mobilité, avant d'élargir ses services à la livraison de repas avec Uber Eats. 

En Occident, les super-apps s’illustrent principalement dans le domaine bancaire et financier, ainsi que l’illustrent ces trois exemples :  

  • L’application française Lydia propose une alternative aux applications bancaires traditionnelles en facilitant les paiements et les remboursements entre particuliers. Depuis 2013, Lydia est passée d’une application de paiement de particulier à particulier à une application bancaire plus complète proposant des prêts, des comptes de dépôt, une assurance et une suite complète de produits de gestion de patrimoine, en partenariat avec d’autres organisations. En France, Lydia se rapproche le plus de ce que serait une super-app. 

  • Au Royaume-Uni, Revolut se développe depuis 2015 et peut désormais se considérer comme une super-app dans le domaine de la finance. Initialement lancée en 2015 en tant que néo-banque, l’application s’est diversifiée en ajoutant à ses services le trading de crypto-monnaies et les prêts, la gestion des abonnements, l’envoi de cartes cadeaux, de dons, ou encore l’achat d’assurance pour animaux de compagnie.  

  • Dans le domaine des paiements en ligne, l’application américaine Paypal ne cache pas non plus ses ambitions de devenir une super-app. En septembre 2021, l’application a entamé une diversification de ses services, mais en restant très focalisée sur la finance, avec le lancement d’une combinaison d’outils financiers, incluant notamment le dépôt direct, le paiement de factures, un portefeuille numérique et l’achat de cryptomonnaies.  

Un futur diffèrent pour les super-apps en Europe et en Asie 

Malgré des progrès impressionnants et l'émergence de certaines super-apps en Europe, les 12 millions d’utilisateurs de Revolut restent bien inférieurs aux volumes d'utilisateurs que comptent des applications comme Grab ou Gojek, et les super-apps européennes éprouvent des difficultés à diversifier leurs services. Pour cause, les différences culturelles et réglementaires entre l’Europe et l’Asie. Les marchés occidentaux privilégient une régulation pour garantir une concurrence loyale. De plus, dans l’optique d’assurer le respect de leur vie privée, les utilisateurs ne voient pas d’un très bon œil l’hyper-personnalisation que propose WeChat et les super-apps. Par ailleurs, même les super-apps asiatiques commencent à souffrir de leur position dominante, principalement en Chine où le gouvernement a décidé de réguler ces acteurs pour libérer de l’espace pour des start-up innovantes, ce qui soulève des questions sur l’avenir de ce modèle.  

 

 

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