Réussir sa stratégie digitale - 5 : omnicanal – du désir à la réalité
Anna est attirée par une publicité qu’elle a vue dans un magazine pour une paire de chaussures de sa marque préférée.
Avec son smartphone, elle scanne le QR code pour en savoir davantage. Au bureau, sur son ordinateur, elle compare les vendeurs et les prix sur Google Shopping et pose une question sur les chaussures via un chatbot. Elle les commande en click & collect et va les essayer directement en boutique. Elle procède à l’achat et gratifie la paire de chaussures d’un « J’aime » sur Facebook.
Le concept d’« omnicanal » n’est pas nouveau et le passage d’un canal à l’autre dans le processus d’achat fait aujourd’hui partie du quotidien des clients. L’expression a été créée il y a déjà près de 15 ans par l’enseigne de produits électroniques américaine Best Buy. Pour concurrencer Walmart sur le secteur des produits électroniques, elle souhaitait s’axer davantage sur le client.
Opportunités et enjeux
Si, ces dix dernières années, des stratégies de type multicanal, crosscanal et omnicanal plus ou moins développées ont peiné à montrer des résultats concluants, le numérique permet aujourd’hui de faire entrer la stratégie commerciale « transcanal » dans une nouvelle ère. De nombreuses idées, visions et passerelles véritablement « directes » peuvent soudain devenir réalité grâce à de nouvelles avancées techniques. C’est en fait une nécessité absolue car, dans le domaine de l’omnicanal, désir et réalité restent encore bien différents. Alors que les clients (B2C comme B2B) alternent toujours plus naturellement entre les canaux, une étude Roland Berger révèle qu’environ 80% des professionnels allemands du commerce n’ont toujours pas de stratégie omnicanal claire.
« Dans de nombreuses entreprises, la transition interne des structures, des compétences, des processus et de la culture vers le numérique reste bien insuffisante. Dans d’autres, on constate des carences dans les systèmes CRM et dans la gestion des données clients. » Tobias Göbbel, Associé au sein du cabinet de conseil Roland Berger
En raison de la multiplicité croissante des points de contact, il devient de plus en plus difficile pour les vendeurs de ne pas perdre les acheteurs potentiels au cours de leur parcours client. Il est donc d’autant plus important de bien penser son concept, à la fois sur le plan technique et sur le plan logistique. Les entreprises doivent établir les bons points de contact et atteindre les clients au bon moment avec les offres et les messages adéquats. Un véritable défi en termes d’infrastructure informatique et de gestion des données, mais aussi en matière de culture d’entreprise.
Les 8 facteurs de succès de l’omnicanal
Roland Berger définit huit facteurs permettant de devenir un « champion du parcours client », à savoir les « 8C » de l’omnicanal : Competence, Category, Channel, Customer Data, Code, Chain, Cost, Culture (Compétence, Catégorie, Canal, Données Client, Code, Chaîne, Coût et Culture).
1. « Compétence »
Dans de nombreuses entreprises du commerce, il manque encore les compétences et aptitudes nécessaires au sein des équipes. Notamment, les entreprises issues de l’univers offline ont souvent des difficultés à évaluer de manière réaliste le potentiel des innovations technologiques.
2. « Catégorie »
Une stratégie spécifique s’impose pour chaque catégorie de produits. Pour la réussite de leur modèle omnicanal, les entreprises doivent connaître les préférences d’achat et d’information de leurs clients pour chacun des segments de produits et de services et ajuster en permanence leur présence aux points de contact en fonction de l’évolution de la concurrence.
3. « Canal »
Celui qui connaît les goûts de ses clients peut élaborer un parcours client « transcanal » : du click & collect aux chatbots, des QR codes aux cabines d’essayage virtuelles, etc. L’enjeu consiste, au-delà du multicanal traditionnel, à interconnecter les canaux de manière intelligente de façon à rendre réellement possible le passage d’un canal à l’autre.
4. « Données client »
Les données client doivent être recensées, analysées, systématiquement compilées et exploitées pour la mise au point d’offres personnalisées. Cela doit se faire pour tous les points de contact. À l’heure actuelle, beaucoup d’entreprises sont encore très en retard dans la mise en œuvre des réglementations légales en matière de traitement des données personnelles (RGPD).
5. « Code »
Celui qui veut atteindre l’excellence en matière d’omnicanal doit mettre en place rapidement et de manière conséquente de nouvelles technologies numériques et optimiser les performances de ses processus front-end et back-end. Dans de nombreuses entreprises, les compétences nécessaires à cette fin (voir « Compétence ») doivent être développées ou bien assurées au travers de partenariats. Un enjeu énorme à une époque où les cycles d’innovation sont toujours plus courts et l’évolution des technologies toujours plus rapide.
6. « Chaîne »
Les modèles omnicanal complexifient la supply chain, que ce soit pour l’indication en temps réel de la disponibilité des produits ou pour la gestion décentralisée des retours. Les mouvements de marchandises doivent être plus rapides et plus souples et surtout rester parfaitement visibles sur l’ensemble des canaux.
7. « Coût »
L’imbrication des canaux rend plus difficile l’imputation des coûts et, par là même, la mesure de la performance individuelle de chaque canal. L’omnicanal nécessite donc un contrôle des coûts plus important que jamais afin d’optimiser la structure de coûts.
8. « Culture »
L’excellence en termes d’omnicanal suppose une culture d’entreprise qui surmonte les cloisonnements, favorise la prise de risques et promeut le changement. Cette évolution a déjà commencé dans de nombreuses entreprises : équipes pluridisciplinaires, motivation intrinsèque, objectifs de performance collectifs et nouvelles formes de hiérarchie et d’innovation participent à une culture d’entreprise durable.
« L’omnicanal, c’est ce qu’attendent les consommateurs sans que personne ou presque n’en propose une version aboutie. L’avenir appartient à celui qui sera le premier à y parvenir. »Achim Himmelreich, Directeur transformation numérique chez Capgemini et Vice-Président de la Fédération allemande de l’économie numérique (BVDW)