Pourquoi les French Days accélèrent les difficultés du retail

Les French Days - le Black Friday à la française - débutent officiellement le 26 avril 2019, pour se terminer le 1er mai. Organisés deux fois par an, ils sont devenus un rendez-vous incontournable entre les enseignes de distribution et les consommateurs.

Derrière la promesse de promotions imbattables pour l’acheteur et de revenus supplémentaires pour les marques se cache une réalité plus contrastée. Décryptage.

Les deux premières éditions des French Days ont eu lieu au printemps et à l’automne 2018. Initiées par six géants de la distribution - Boulanger, Cdiscount, Fnac Darty, La Redoute, Rue du Commerce et Showroomprivé - les French Days ont rassemblé plus de 200 sites Internet. L’objectif de ces deux éditions était radicalement différent : occuper un creux de consommation au Printemps, entre les soldes d’hiver et les soldes d’été ; répondre aux besoins complémentaires des consommateurs à l’automne.

Enrayer la baisse des ventes dans le retail

Les French Days entendent ainsi apporter une réponse à la baisse structurelle de la consommation dans le retail. Le budget shopping des Français a diminué de 6,2% entre 2016 et 2017, d’après une étude du cabinet Simon Kucher & Partners. Certains secteurs sont tout particulièrement touchés, comme celui de l’habillement. Le chiffre d’affaires des enseignes textiles a ainsi chuté de 20% en 2018 selon l’Alliance du Commerce. En créant des rendez-vous discount récurrents, les retailers espèrent multiplier les temps forts de consommation et enrayer la baisse de consommation. 

En vain. Le bilan de cette première édition des French Days est mitigé. Si la fréquentation des sites marchands est en légère augmentation, elle reste bien en-deçà des taux de fréquentation enregistrés lors du Black Friday (+112%). Pire, elle a diminué entre la première (+22%) et la seconde édition (+15%), selon le comparateur de prix Idealo. Au-delà de la proximité des achats de rentrée et du paiement du tiers prévisionnel de l’impôt, ces résultats en demi-teinte s’expliquent en grande partie par des promotions décevantes pour des consommateurs habitués à des rabais conséquents lors du Black Friday et des soldes.

Les rabais, cache-misère de l’expérience utilisateur ?

Plus largement, ni les soldes, ni les ventes privées, ni le Black Friday, ni les French Days ne parviennent réellement à enrayer cette spirale infernale. Pire, la guerre des prix dans le retail a asséché les marges de nombreux acteurs traditionnels du marché. Plusieurs distributeurs pourtant établis n’ont pas réussi à s’adapter à la transformation numérique et à répondre au défi grandissant de l’expérience utilisateur, mettant de fait la clé sous la porte.

Récemment, New Look a ainsi annoncé qu’il mettait en vente ses 30 magasins en France.Et si la raison de cette descente aux enfers des enseignes de distribution tenait dans la multiplication de ces périodes de rabais ? En acceptant de généraliser la vente à perte de leurs stocks, et donc de légitimer la démonétisation des produits de grande consommation, les retailers ne scient-ils pas eux-mêmes la branche sur laquelle ils sont assis ?

Et si les French Days ne cachaient tout simplement pas l’incapacité d’une partie du marché à saisir réellement le potentiel de l'expérience digitale au service du commerce unifié ?

Recentrer la proposition de valeur autour de l'expérience

Le portefeuille des ménages s’est fortement recomposé ces dernières années. La part accordée aux produits de grande consommation s’est progressivement réduite tandis que celle concernant le logement ou encore les dépenses liées à la culture et aux loisirs s’est accélérée. Face à une assiette qui va continuer à se réduire structurellement ces prochaines années, les distributeurs doivent repousser les limites d’un cadre contraint et changer de paradigme.

Ils doivent moins penser produit et service, qu’ils ont contribué à dévaloriser via le recours systématique aux rabais, et recentrer leur proposition de valeur sur l’expérience digitale.L’expérience digitale est créatrice de valeur. Elle permet de sortir d’une approche de la relation client purement financière pour donner de la puissance au récit de marque, répondre au besoin de personnalisation du consommateur et optimiser la fidélisation face à une volatilité toujours plus importante dictée par le prix de vente.

Elle permet aux retailers d’apporter une réponse adaptée à l’enjeu que pose l’expansion des places de marché numériques dans le commerce aujourd’hui, Amazon et Alibaba en tête.Répondre à un déficit technologique par le prix est un non-sens. Les consommateurs plébiscitent avant tout ces places de marché pour l’inventaire pléthorique qu’ils y trouvent, et la mise à disposition rapide des biens et services.

En un mot, pour l’expérience.Dès lors, la systématisation des rabais ne peut que jouer en faveur des acteurs qui proposent aujourd’hui la meilleure expérience. Plutôt que d’investir dans la vente à perte de leur stock, les retailers doivent faire de l'expérience utilisateur leur axe de développement prioritaire pour enrayer cette spirale infernale et espérer entrevoir un avenir radieux. 

Publié dans LSA