Néo-assureurs et assureurs traditionnels : pourquoi la guerre du numérique n’aura pas lieu

Face à la crise sanitaire actuelle, les néo-assureurs et leur promesse d’un parcours de souscription 100% digital et rapide occupent fréquemment l’espace médiatique depuis plusieurs mois. Couplé à des levées de fonds régulières forçant le respect, ils interrogent la stature des assureurs historiques et propulsent le sujet de la digitalisation du secteur et des parcours des assurés sur le devant de la scène.

D’un côté une promesse de rapidité avec une dématérialisation complète et un parcours entièrement digital proposés par les nouveaux du marché, de l’autre une promesse de proximité et de contact humain cultivée depuis des années par les assureurs traditionnels. Pourtant, entre les deux, il existe une voie que doivent prendre ces derniers pour continuer à répondre tant aux enjeux de leurs clients et qu’à leurs besoins business. Tout réside alors dans un équilibre, une ligne fine à identifier et à consolider pour évoluer sans trahir sa promesse.

Physique et numérique, deux voies antagonistes ?

Dans le secteur de l’assurance, comme d’autres avant lui, le nombre de canaux d’échanges dématérialisés s’est multiplié, entre site Internet, éventuelle application mobile et même réseaux sociaux. En parallèle, les néo-assureurs proposent un parcours de souscription 100% digital et se démarquent ainsi grâce à un facteur vitesse qui fait aussi leur succès aujourd’hui. Il serait alors facile de percevoir les acteurs historiques comme des dinosaures du numérique, se reposant uniquement sur un réseau d’agences de proximité tissé à travers la France mais n’accordant pas assez de ressources à leur digitalisation.

Et quelle erreur.Ces derniers mobilisent de nombreux efforts depuis plusieurs années déjà pour opérer ce virage vers le numérique. Direct Assurance par exemple a été placé en tête du secteur assurance par Google dans son benchmark 2021 des meilleures expériences mobiles en matière de souscription. Fin 2020, le courtier grossiste APRIL a de son côté tenté de dépoussiérer les formalités médicales et les contrats de santé pour les professionnels en s’alliant avec une start-up française, BioSerenity, créatrice d’un service innovant de télémédecine pour le suivi et le diagnostic cardiovasculaire. 

Le phygital comme évolution naturelle 

Si la promesse de rapidité des acteurs 100% digitaux peut être attirante, est-ce finalement ce que recherchent réellement les clients ? Pour certains, notamment les générations Y et Z, c’est un fait. Pour autant, les assurés continuent à privilégier en moyenne les canaux traditionnels, l’agence et le téléphone, selon une étude de Colombus Consulting (1).

À ce titre, 42% des Français interrogés vont préférer se rendre en agence pour souscrire une assurance multirisque habitation, et seulement 15% préféreront se rendre sur le site web de l’assureur choisi.Le canal physique n’est donc pas mort, au contraire. Il est cependant voué à évoluer, alors même que les usages numériques sont grandissants, pour conserver sa place de point de contact privilégié pour les assurés et renforcer les liens de proximité. A ce titre, les acteurs historiques de l’assurance n’hésitent pas à jouer une double carte.

Ils vont plus loin que la simple digitalisation, faisant de ce parcours numérique un prolongement des agences physiques. Ils ont ainsi entamé un mouvement de digitalisation du “back office”, cet ensemble de processus qui permet d’obtenir et vérifier les pièces justificatives et les éléments contractuels comme la signature des contrats, la récupération d’une carte grise ou encore de certificats médicaux. Ils réinventent ces flux pour s’adapter à l’ère de la dématérialisation et de la simplification des procédures et répondre au besoin d’instantanéité de leurs assurés, offrant à ces derniers la possibilité de passer du canal numérique à une visite en agence, où les agents peuvent suivre l’ensemble des éléments du dossier, physiques ou digitaux. 

Il ne s’agit donc plus aujourd’hui de devoir choisir entre les deux voies : elles doivent converger pour offrir une expérience client phygitale solide et efficace, alliant rapidité et proximité.

Connaissez-vous vous-même et connaissez vos clients

Cet équilibre peut être cependant périlleux à trouver et il s’agit de ne pas s’y lancer sans avoir une connaissance parfaite de son propre système et de ses clients.Une fois le choix du phygital acté, les assureurs se retrouvent face à une situation complexe : coordonner les spécialistes du digital en charge du parcours web, la DSI en charge des outils métiers en agence, et les porteurs d’offre en charge de l’expérience client.

Autant d’équipes qui ne parlent pas la même langue. Il devient alors nécessaire d’établir un référentiel commun sous la forme d’une cartographie intégrant l’ensemble des points de contact sur le parcours des assurés et mesurant leur efficacité grâce à des indicateurs précis comme la performance, le temps de visite alloué à chaque ou le gain financier généré. 

Couplée à une analyse fine des données client et la composition de profils-types ou “persona”, inspirés des outils marketing, cette cartographie globale permettra alors de définir la suite d’outils digitaux et physiques à déployer pour répondre à tous les cas d’usage qui peuvent émerger et les synergies possibles sur lesquelles capitaliser pour offrir une véritable expérience phygitale et adaptée à chaque assuré. 

Contrairement à ce que certains pourraient prédire, l’émergence des néo-assureurs ne signe donc pas la mort des acteurs traditionnels, loin de là. Ces derniers ont aujourd’hui les moyens et outils pour allier leur promesse de proximité et une expérience numérique adaptée. 

(1) « La digitalisation au service de l’expérience client 2020 », Colombus Consulting, étude menée entre le 12 et le 19 octobre 2020.

Publié dans L'Argus de l'Assurance