Les réseaux sociaux face à la crise sanitaire mondiale : quelles actions?

Comment les principaux réseaux sociaux ont réagi face à la crise sanitaire actuelle ? Outre la gestion de la désinformation grandissante ayant amené l’OMS à parler d’«infodémie», les réseaux sociaux ont mené de nombreuses actions en réaction à la crise. Certains dans le but de soutenir les Etats et organisations ou pour assister à leur manière les efforts sur le terrain, et d’autres en ont profité pour élargir leur offre.

Facebook multiplie les gestes et mise sur de nouvelles applications

Devenu l’épicentre de la mésinformation, (plus de la moitié des articles consommés aux États-Unis sont maintenant liés au coronavirus selon un rapport interne), Facebook est parti à la chasse aux fake news. Il a ainsi débloqué 100 millions de dollars pour venir en aide aux médias touchés par la baisse d’activité publicitaire afin de les aider à fournir une information fiable, au moment où elle est le plus indispensable. Le réseau social indique avoir déjà redirigé près de 2 milliards d'utilisateurs vers des informations émanant des autorités de santé publique, à travers son « centre d'information Covid-19 » disponible sur chaque fil d'actualité.

Plus de 350 millions d'utilisateurs ont cliqué sur ces messages pédagogiques. LONG Avaaz indique toutefois que des millions de personnes sont encore confrontées à des fausses informations. Le 16 avril, Facebook a annoncé la mise en place d’un système d’alertes envoyées à tous les utilisateurs exposés à des fake news sur la plateforme, qu’ils aient vu, commenté, like ou partagé l’un de ces contenus. Ce système fonctionne de façon rétroactive. Facebook partage également des données agrégées inédites issues de sa base d'utilisateurs qui ont été publiées pour aider les chercheurs à lutter contre la propagation de l'épidémie. 

Il incite également ses utilisateurs américains à participer à un programme d'études qui tente d'évaluer les symptômes du coronavirus grâce à un questionnaire, pour identifier ensuite les régions les plus touchées. Ces données ne devraient pas transiter par les serveurs de Facebook et seront directement envoyées à l’université en charge de l’étude, qui aura pour chaque répondant un identifiant généré aléatoirement. En France, c’est l'Université Paris Sciences et Lettres, partenaire dCNRS, de l’Inria, et de l’Inserm, qui utilisera ces données.

Dans de nombreux pays, l’utilisation de la messagerie Facebook Messenger a grimpé de plus de 50%, tandis que les appels de groupe en Italie ont bondi de plus de 1 000%. Le ministère argentin de la Santé a même lancé une expérience, avec le soutien de Botmaker.com, pour répondre aux questions du public sur le coronavirus et pour fournir des conseils rapides, fiables et officiels en continu. Des organisations comme l'UNICEF et le ministère pakistanais des Services de Santé Nationaux utilisent également Messenger pour s'assurer que les citoyens disposent des dernières informations sur COVID-19. 

 

Utilisation de Messenger par le Ministère pakistanais des Services de Santé Nationaux

 

Ces dispositifs ont été mis en place grâce à l’aide bénévole de la communauté de développeurs mobilisée à la suite de l’ouverture d’un programme mondial pour mettre en relation les développeurs et les organisations de santé gouvernementales ou les agences de santé des Nations Unies. Le but étant d’aider à utiliser Messenger le plus efficacement possible pour partager des informations exactes et accélérer leurs réponses aux citoyens. 

 

Tuned, le réseau social pour couples de Facebook

En parallèleFacebook a lancé Hobbi, une application de partage de photos de cuisine, bricolage et autres réalisations artistiques, en bref un concurrent à Pinterest. Elle n'est pour le moment disponible que dans quelques pays (États-Unis, Ukraine, Colombie, Espagne et Belgique), mais son déploiement en temps de crise est une preuve de plus de la puissance de ce géant américain. 

Dans la plus grande discrétion, Facebook a également sorti un nouveau réseau social nommé Tuned, réservé aux couples. C’est le petit geste fait pour les couples qui vivent à distance, séparés par le confinement. Tuned se présente comme une application de partage de messages, sons, photos et albums, cartes postales, mots doux, stickers et de musiques grâce à l’intégration de Spotify.
 

Instagram sensibilise les utilisateurs et lutte contre les fake news

Instagram de son côté n’a pas annoncé de grandes mesures, mais a développé quelques fonctionnalités pensées pour le confinement comme le «Co-Watching» qui consiste à regarder des contenus à plusieurs ?pendant un appel, et le déploiement mondial de stickers dans les stories :

  • Des stickers dédiés aux gestes barrières sont proposés (rappels pour se laver les mains, sensibilisation à la distanciation sociale…);
  • Le sticker « Don» permet d’inviter les contacts des utilisateurs à soutenir une cause choisie;
  • Le sticker «Restons chez nous» ajoute automatiquement la story de l’utilisateur à une story permanente, intitulée « Chez soi», qui rassemble toutes les stories des contacts en une seule et est visible en première position.

 

 

Le Co-Watching développé par Instagram

Instagram annonce également avoir procédé à plusieurs changements permettant de réduire la propagation de fausses informations sur le Covid-19 au sein de l’application. Les publicités frauduleuses et contenus liés à des théories du complot sont supprimés, et les filtres de réalité augmentée liés au Covid-19 interdits. La priorité est donnée aux contenus issus des organisations de santé reconnues. Pour cela, Instagram utilise des encarts dédiés dans les résultats de recherche pour les requêtes liées au coronavirus et une section située en haut du feed.
 

Snapchat adapte ses filtres à la situation

Dans le sillage d’Instagram, Snapchat a recyclé ses fonctionnalités pour les adapter à la situation. En utilisant la réalité augmentée, le réseau social souhaite soutenir l'OMS avec ses nouveaux filtres :

  • Un filtre incitant les utilisateurs à faire des dons pour soutenir les efforts contre le Covid-19. Il s'agit d'effets qui réagissent lorsque l'utilisateur braque la caméra de l'application sur une devise (euros, dollars, livres...). Ces lenses sont lancées en partenariat avec le Fonds de riposte solidaire Covid-19 de la Fondation des Nations Unies pour l'OMS et dirigeront les utilisateurs vers la page de dons.
  • « My social distance » s’appuie sur la caméra du smartphone pour créer un cercle virtuel garant du respect de la bonne distance sociale entre les personnes, conformément aux recommandations de l’OMS.
  • Un filtre rappelle de manière animée les règles de base : lavage des mains, l’importance de rester à la maison et de ne pas se frotter le visage.

 

 

La lense d'appel aux dons Snapchat
 

TikTok, la star des applications pendant le confinement

Comme Instagram, TikTok tente de supprimer les contenus intentionnellement trompeurs au sujet du coronavirus. Par exemple, les vidéos où des personnes prétendent être atteintes de la maladie ou vendant les mérites de faux remèdes miracles. Mais en sa qualité de challenger, le réseau social est l’un des plus submergés.

L'application comptait 800 millions d'utilisateurs en janvier 2020 (selon DataReportal) et a 115 millions de téléchargements en mars 2020 (selon SensorTower), à la suite des confinements successifs et au besoin de divertissement decitoyens. TikTok doit maintenant modérer des millions de nouveaux utilisateurs qui créent, relaient ou consomment des contenus parfois fallacieux. L’OMS a même dû créer un compte pour faire circuler les vraies informations et les conseils de protection.

 

L'Organisation Mondiale pour la Santé sur TikTok
 

Twitter : flot de hashtags et investissement dans les stories

Roi de la réactivité, Twitter est le lieu de débats et de partages d’informations phare depuis le début de la crise. 527 000 mentions aux hashtags #coronavirus, #covid19, et #coronavirusFrance ont été comptabilisées seulement sur le mois de mars 2020 (selon une étude menée par Hootsuite et Brandwatch). A titre d’exemple, le journal Le Monde a notamment posté plus de 527 tweets avec ces hashtags juste pour la journée du 25 mars. 

Comme Facebook, Twitter compte œuvrer contre les fakes news, notamment en supprimant les messages relayant des théories du complot ou faisant la promotion de traitements inefficaces voire dangereux, ainsi qu’en supprimant les comptes qui usurpent l'identité d'un gouvernement ou d'un responsable ou organisation de la santé.

En coulisses, Twitter prépare son futur et rachète une start-up spécialisée dans le format storiesChroma Labs. Créée en 2018 par des anciens employés de Facebook et Instagram, Chroma Labs et ses sept salariés rejoignent les équipes de Twitter qui préparent ainsi sûrement l’arrivée des stories sur sa plateforme (car Twitter est l’un des derniers réseaux sociaux à ne pas proposer cette fonctionnalité). 

 

Chroma Labs racheté par Twitter
 

YouTube en profite pour conquérir un marché

Dans un contexte de confinement qui peut parfois s’avérer stressant, les utilisateurs sont nombreux à se tourner vers YouTube pour avoir en images les dernières informations. La plateforme comptait 75% de vues en plus pour les vidéos en catégorie « Actualités » au cours des dernières semaines par rapport à 2019. Le réseau est donc loin d’être atteint par la crise et a ouvert le 10 avril dernier sa page « Apprendre à la maison » qui regroupe des contenus éducatifs. Triées par thématiques et âges cibles, les vidéos proviennent de dessins animés, de YouTubeurs connus tels que Nota Bene et Dirty Biology, ou encore d’organisations telles que l'INA et le Musée d'Orsay. 

 

La page « Apprendre » de YouTube

YouTube va, plus discrètement, lancer une appli concurrente de TikTok. Mais YouTube, pour rajeunir sa clientèles'apprête à attaquer directement le marché de TikTok en propulsant une nouvelle application baptisée « Shorts » d’ici décembre 2020. Destiné à engranger des contenus, YouTube va intégrer directement à sa plateforme un flux de vidéos courtes générées par les utilisateurs à la manière de TikTok, le tout en capitalisant sur l'audience déjà en place de la plateforme (2 milliards d’utilisateurs actifs par mois).

Petit plus, les utilisateurs pourront se servir de morceaux de musique sous licence pour leurs vidéos. Face à la situation inédite actuelle et la pression d’organisations telles que des ONG vis-à-vis de la gestion de fake news, les réseaux sociaux ont fait preuve d’une réactivité à toute épreuve, en lançant notamment de nouvelles fonctionnalités et initiatives en quelques jours seulement

Une des questions qui émergent est celle de la liberté d’expression face au contrôle des fakes news par les plateformes privées qui, après la crise, pourrait s’étendre sur d’autres sujets tels que la politique.