Gamification et UX Design : se limiter à l’observation des comportements ou plonger dans la psychologie de l’utilisateur ?

Sujet en vogue, la gamification ne se limite pas à quelques applications d’e-learning ou de marketing, et peut apporter de précieux enseignements à l’UX Design.

D’où vient la gamification ?

Pourquoi l’appelle-t-on gamification d’ailleurs ? Parce qu’on transforme tout en jeu ? Pas vraiment, non. A vrai dire, un autre nom – moins catchy – pour la gamification serait « conception centrée sur l’utilisateur ». On l’appelle gamification car l’industrie des jeux vidéo (et jeux de plateau) est un des meilleurs exemples en termes de conception centrée sur l’utilisateur, utilisant des mécaniques incroyablement riches pour l’engager.

A vrai dire, la gamification puise des enseignements au sein de nombreuses disciplines (game design, mais aussi psychologie, anthropologie, sociologie...) pour mettre l’utilisateur – ou plutôt le joueur – au centre de nos préoccupations et transformer chaque tâche, chaque action en une expérience engageante et… fun !

Réciproquement, la gamification nous apporte de précieux enseignements pour enrichir nos approches actuelles en termes de design d'expérience utilisateur, afin d'engager et de fidéliser l'utilisateur à travers tous ses points de contact avec la marque ou le produit. Ainsi, j’aimerais attirer votre attention vers plusieurs théories ; nous allons parler de béhaviorisme, cognitivisme et psychologie motivationnelle.

Deux approches drastiquement opposées

Il existe deux approches à la gamification (et à l’UX en général) : le béhaviorisme et le cognitivisme. Rassurez-vous, c’est moins compliqué qu’il n’y paraît ! Voici un simple parallèle entre les deux approches :

Bien qu’elles semblent absolument contradictoires, ces approches apportent toutes deux des éléments à retenir et à appliquer dans la conception centrée sur l’utilisateur :

  • Le béhaviorisme souligne l’importance des tests utilisateurs et l’impossibilité de prédire à coup sûr leurs comportements. Il nous donne également un cadre pour l’utilisation du conditionnement opérant – ou apprentissage skinnérien – (voir schéma), qui est à la base de l’apprentissage humain, et donc d’une grande valeur pour des problématiques de formation ou de sensibilisation. Cependant, utilisé à outrance, il peut se transformer en un outil de manipulation des comportements.
  • Le cognitivisme quant à lui introduit une approche plus sympathisante avec l’utilisateur et un réel effort de compréhension de son mode de pensée et de ses motivations; mais l'état actuel de la science ne permet qu'une compréhension partielle du cerveau humain et la psychologie reste une science inexacte, impliquant des tâtonnements et des marges d’erreurs.

Peut-on modéliser la motivation ?

Un des éléments principalement étudiés par le cognitivisme est la motivation des utilisateurs : de quelle nature est-elle ? Qu’est-ce qui l’impacte ? Comment la pérenniser ?

Modèle Octalysis

Yu-Kai Chou, gourou américain de la gamification, a tenté d’apporter une réponse à ces interrogations grâce au modèle Octalysis. Il identifie 8 principales sources de motivation (« core drives »), représentées comme suit :

  • CD1 - Epic meaning and calling : le sentiment de faire partie d’un tout au-delà de sa propre personne, de contribuer à un bien commun. Exemples : préserver l’environnement, contribuer au développement de son entreprise…
  • CD2 - Development and accomplishment : la reconnaissance de ses efforts et de ses talents ; le sentiment de maîtrise. Exemples : recevoir un trophée, des votes positifs…
  • CD3 - Empowerment of creativity : la liberté d’expression et de création. Exemples : peindre, danser…
  • CD4 - Ownership and possession : le désir de protéger et d’améliorer ce qui nous appartient. Exemples : rénovation d’intérieur, collection de timbres…
  • CD5 - Social influence and relatedness : l’influence des actions, jugements et conseils de nos pairs sur notre comportement. Exemples : recommandations, pression sociale…
  • CD6 - Scarcity and impatience : le désir d’atteindre quelque chose d’inaccessible (rare ou hors de portée). Exemples : obtenir un Pokémon légendaire, trouver l’herbe du voisin plus verte…
  • CD7 - Unpredictability and curiosity : l’obsession créée par l’incertitude / le suspens. Exemples : finir une série, explorer un lieu…
  • CD8 - Loss and avoidance : Le désir d’éviter des situations désagréables (pertes, changements…). Exemple : éviter un licenciement, être réticent au changement…

Ces sources de motivations se distinguent sous deux axes :

Le modèle Octalysis permet non seulement de distinguer les différentes sources de motivation chez le joueur et l’impact du recours à ces motivations sur sa psychologie ; il répertorie également des ensembles de mécaniques de jeu et de stratégies design qui permettent de solliciter chez l’utilisateur les sources de motivation voulues.

Self-determination theory

La théorie d’auto-détermination de Ryan & Deci reconnait les sentiments de compétence, d’autonomie et de rattachement comme nécessaires à l’appréciation d’une action pour elle-même. Cette théorie classe également différents types de motivation du plus faible au plus puissant, attribuant à la motivation intrinsèque la plus forte influence sur les actions menées par l’humain.

Bien que le cerveau et la psychologie humaine soient difficiles à appréhender, le cognitivisme a permis d’établir des axes à suivre pour comprendre plus en profondeur les utilisateurs, et renforcer leurs motivations à s’engager avec une plateforme, une marque ou un produit. Il faut cependant ne pas totalement renier les autres approches qui sont sources d’enseignements précieux.

L'engagement de l'utilisateur étant au cœur de l'UX design tout comme de la gamification, il me semble essentiel de souligner l'intérêt pour les designers d'expérience utilisateur de se pencher sur les théories abordées ici afin de mieux comprendre la psychologie des utilisateurs et les façons de les engager.

Télécharger l'infographie : améliorez l'UX design de votre site e-commerce