Attention à la gueule de bois agile !

L’agilité est devenue le leitmotiv de la plupart des entreprises désireuses de faire évoluer leur organisation vers un modèle plus horizontal et collaboratif. L’agilité a ainsi pris une place centrale dans la conduite de projets.

Elle séduit les jeunes ingénieurs et chefs de projets, attirés par les promesses que cette méthode laisse entrevoir. Pourtant, elle demeure parfois encore mal utilisée, souvent pour de mauvaises raisons et ou dans de mauvaises conditions. Les clients confondent encore trop souvent agilité et itération, au risque de voir leur projet prendre une mauvaise direction ou s’arrêter tout bonnement en cours de route.

Les entreprises face au syndrome de l’agilité Canada Dry

L’agilité est dans toutes les bouches. “Notre organisation doit gagner en agilité”, “nous devons travailler de manière plus agile” sont autant d’injonctions qui rythment notre quotidien… Pourtant, au risque de décevoir nombre de chefs de projets, beaucoup d’entreprises aujourd’hui ne sont pas agiles. C’est ce d’aucun pourrait appeler le syndrome de “l’agilité Canada Dry”.

On retrouve la couleur, le goût et la forme de l’agilité, mais ça n’en est pas.Par souci d’agilité, les process sont souvent précipités, les définitions mal posées, entraînant dès le début de la conduite de projet des incompréhensions et des amalgames. La situation court le risque de rapidement se dégrader, alimentée par l’agacement croissant des collaborateurs noyés sous les ateliers mal organisés ou mal cadrés, les informations sans intérêt pour leur métier ou un périmètre de réflexion beaucoup trop élargi.

Les équipes ne se comprennent plus alors que l’agilité vise à créer un référentiel commun autour de la conduite de projets. Le fossé financier quant à lui ne cesse de se creuser au fur et à mesure de l’implication des équipes sur des tâches mal coordonnées et donc chronophages.

Agilité ou itération, il faut choisir… et s’y tenir !

Chaque projet doit débuter par une étape à la fois incontournable et cruciale : la vérification avec le client de la méthodologie que ce dernier souhaite employer. Là où un projet mélangeant itération et agilité pourra malgré tout voir le jour à l’aide d’aménagements spécifiques, un décalage entre la méthodologie employée par le client en interne et celle déployée par le prestataire pour la conduite du projet le mettra en péril.

Si vous n’avez pas pu ou su mener cette conversation préalable et que vous faites face aujourd’hui à cette situation, plusieurs étapes s’offrent à vous pour trancher ce noeud gordien, à commencer par la plus radicale :

  • En prendre conscience. Si ni l’organisation ni le prestataire ne sont suffisamment matures pour le faire, un consultant coach agile constitue une option souhaitable dès les premiers signes de sortie de route. Ce dernier, s’il arrive au démarrage d’un projet, peut mettre en place les bonnes pistes et réflexes pour éviter cette situation. Si le projet est déjà entamé, il peut accompagner la prise de conscience.
  • Stopper le projet. Étape nécessaire et naturelle après la prise de conscience, l’arrêt du projet représente un gain de temps pour les équipes mobilisées et peut éviter un naufrage économique à plus long terme.
  • Faire un choix et s’y tenir. Une fois le projet en stand-by, il convient d’agir rapidement pour le réorienter et redéfinir les principes de pilotage. Il est pertinent de suivre cette étape en considérant votre client comme un partenaire, pour établir avec lui une nouvelle feuille de route, la plus pertinente possible.

Agilité et itératif, chacun ses conditions !

L’agilité doit répondre à un véritable besoin métier. Si une entreprise identifie un réel besoin d’agilité chez un client mais que ce dernier n’est pas suffisamment organisé ou mature pour exécuter une méthodologie Agile, la vérification des prérequis doit faire partie intégrante de la phase de démarrage, quitte à retarder le lancement. Parmi ces prérequis :

  • L’implication d’un véritable Product Owner chez le client possédant un réel pouvoir de décision et connaissant son organisation et les métiers qui y gravitent.
  • Un Scrum Master ainsi qu’un directeur de projet formés à la méthode Agile ayant déjà réussi à mettre en place a minima un projet avec succès. Si cette condition ne peut pas être assurée, la mise en place d’un coach Agile est primordiale.
  • Un contrat incluant les spécificités agiles (organisationnelles et financières).
  • Un kick-off pédagogique clair et sans ambiguïté réunissant l’ensemble des acteurs et des décideurs.
  • Un accompagnement avec une enveloppe conseil définie à part si nécessaire.

Cela ne signifie en aucun cas que la méthodologie itérative est morte, ce serait d’ailleurs une erreur de vouloir basculer l’intégralité d’une production forfaitaire vers une méthodologie Agile. Dans ce cas de figure, un modèle itératif cadré donnerait sans aucun doute de meilleurs résultats. La méthodologie Agile doit répondre à un réel besoin métier. A titre d’exemple, un client possédant un budget conséquent nous a exprimé un cahier des charges simples, tenant en une idée simple : “Je souhaite vendre mes produits à la fin de l’année”.

Dans ce cas de figure il est fort probable que la mise en œuvre d’une méthodologie agile (tout en respectant les prérequis) puisse répondre au besoin du projet et du client.La mesure et la mise en place des prérequis des deux côtés est indispensable. La confrontation de ces deux mondes en cours de projet peut être explosive et créer des dégâts financiers et relationnels majeurs. Les équipes doivent parler le même langage agile pour avancer.

Publié dans le Siècle Digital