VIVATECH 2019 - L'hyper-personnalisation au service du bien commun ?

La 4ème édition du salon Viva Technology, qui a réuni pas moins de 124 000 visiteurs sur 3 jours à Paris, a placé sous les projecteurs (Festival de Cannes oblige !) deux enjeux technologiques : l’hyper-personnalisation (au cœur de toutes les nouvelles expériences présentées) et le taxi volant.

Le tout sous deux grandes thématiques que sont la technologie au service du bien commun (Tech4Good) et une Europe unie autour d’un marché unique (United Tech of Europe).

 

La technologie au service du bien commun

Une des aspirations de la société est de consommer de manière plus vertueuse : se déplacer sans polluer, utiliser de l’énergie propre, se soigner plus efficacement, savoir ce qu’on achète ou encore manger plus sainement sans gaspiller… Les entreprises (tous domaines confondus) doivent y apporter des réponses, en s’appuyant notamment sur les technologies aux impacts positifs, sur l’économie, la société et l’humanité. L’alternative n’est plus acceptée ! Au-delà de l’effet d’annonce, il s’agit plus sérieusement de les inscrire dans les valeurs de l’entreprise (pas seulement dans le service ou produit commercialisé mais également dans le bien-être de ses employés). La Tech4Good ne peut s’intégrer que dans une vision holistique de la chaine de valeur. Comme le montre la dernière étude de McKinsey, il existe un scénario où chiffre d’affaires et bien-être social combinés apportent plus de résultats (+2% PIB). C’est celui « où on se focalise sur la technologie et on a une gestion proactive vis-à-vis de son utilisation » dixit Éric Hazan (directeur associé senior McKinsey France). Les 3 domaines technologiques qui ont le plus d’impact sur le bien-être sont la donnée et l’IA, les plateformes et la connectivité, et la robotique.  

Europe : un marché à l’échelle pour exister au niveau mondial

Avec l’entrée en vigueur du RGPD et le débat autour du Brexit, les différents acteurs ont eu l’opportunité de réfléchir ensemble à une approche commune pour l’Europe (« United for Europe »). Entreprises, start-up, investisseurs et institutions ont échangé sur le thème d’une Europe unie pour lutter contre un marché mondial qui fait fi des frontières géographiques et règlementaires. Emmanuel Macron a pour la 3eme fois participé aux débats pour soutenir l’idée d’une Europe souveraine, soutenue par une politique fiscale commune, capable de défendre ses intérêts et de rivaliser avec les États-Unis et la Chine, et d’une Europe forte qui est un protecteur et un accélérateur pour les entrepreneurs.

 

Crédit : PHILIPPE LOPEZ / AFP

« Pour moi la bonne souveraineté dans le numérique est à l’échelle européenne. » E. Macron

Sur le chantier de la protection, le RGPD est une première étape pour arriver à une régulation intelligente qui s’adapte au contexte. L’actualité avec l’appel de Christchurch donne d’autant plus de poids à un dialogue avec certaines plateformes pour imaginer une régulation autour de la problématique de la violence et la haine en ligne. La priorité pour la majorité des start-up est trouver du financement pour accélérer leur développement, et ainsi pouvoir exister sur un marché extrêmement concurrentiel. Le chef de l’Etat a répondu qu’il faut avant tout s’assurer que le cadre concurrentiel soit le même pour tout le monde.

« Cela signifie qu’il faut un impôt identique pour vous et pour le géant américain qui arrive sur votre marché » E. Macron

 

L’hyper-personnalisation dopée à l’Intelligence Artificielle

L’hyper-personnalisation des expériences, a été comme au Retail Big Show de New-York, la star de l’événement. Rendue possible grâce à l’analyse algorithmiques (autrement dit Intelligence Artificielle) des données collectées, elle met les grands acteurs de la mode et du retail d’accord. Tous admettent que nous sommes passés d’une démarche d’innovation technologique de type « cost-saving » pour améliorer les processus internes à une démarche de type « growth hacking » pour changer d’échelle. Un marketing de performance qui s’est transformé en un marketing de précision pour personnaliser l’expérience en fonction des données collectées lors de chaque interaction avec le consommateur. L’Intelligence Artificielle permet grâce aux algorithmes de machine learning de se concentrer sur la donnée à valeur ajoutée (selon P&G, 80% de la data « parasite » est ainsi éliminée). La réalité augmentée permet, elle, de fournir de l’information directement en situation à travers un téléphone, un casque ou encore des lunettes. L’interaction client est également au centre des préoccupations, avec toujours plus de besoins de mobilité, de nouveaux canaux comme la voix (à travers son mobile, les enceintes connectées…) et une recherche d’échanges directs avec les consommateurs au travers des réseaux sociaux. Voici les exemples dans les domaines de la mode, la santé et le retail qui ont retenu l’attention :

  • L’Oréal a dédié son stand à l’hyper-personnalisation à travers différentes expériences mêlant technologie et expérience utilisateur. On a pu retrouver l’application mobile SkinConsult AI qui combine l’expertise L’Oréal et du deep learning (via ModiFace rachetée récemment par la marque) pour décrypter une photo (à partir d’un selfie). L’application fournit ainsi une analyse personnalisée en temps réel et en réalité augmentée de l’état de la peau, et recommande le traitement adéquat.
  • Shopitag, une solution de commerce omnicanal de la société belge Infiniti Mobile, propose un framework d’outils de l’interaction client (chat, voice, social) jusqu’à la logistique, en passant par l’intégration de système d’entreprise (SAP, Salesforce…). Shopitag met à disposition son expertise et sa plateforme pour saisir la dynamique commerciale. Peu importe les canaux de vente, elle crée des offres contextualisées qu’elle met face à ses clients au bon moment.
  • CareOS est le premier système d’opération (OS) de santé et de beauté spécifiquement conçu pour la salle de bain connectée. De la douche connectée au pèse-personne, en passant par la brosse à dents, plus de 50 appareils, produits et services IoT sont aujourd’hui intégrés à la plateforme. En démonstration sur le stand LVMH, son miroir intelligent Artémis allie intelligence artificielle, réalité augmentée, commande vocale, reconnaissance d’objets et reconnaissance faciale dans une expérience immersive personnalisée. Le miroir est capable de reconnaitre l’utilisateur, de capter certains indicateurs physiologiques (grâce à un bracelet connecté), de rappeler les rendez-vous de la journée en indiquant la météo du jour, de proposer des tutoriels pour se coiffer, ou encore faire du shopping directement en scannant le produit… Un panel de services très riche.

 

Le taxi volant, une réalité pour 2025 ?

Coté transport, on peut noter une vraie tendance autour de la mobilité urbaine, avec la présentation de plusieurs prototypes de taxi volant combinant drone, hélicoptère ou encore avion de tourisme. La majorité des solutions se destinent pour des trajets maison - travail ou aéroport - centre-ville. Le plus extravagant fut le slovaque AeroMobil, qui en est à sa 4ème version de sa voiture volante capable de se transformer en petit avion (9 mètres d’envergure) en moins de trois minutes. Le véhicule pourra transporter deux passagers sur une distance de 750km à une vitesse de croisière de 260km/h. Il suffira de se rendre sur la piste de décollage la plus proche ou de prendre l’autoroute. Le plus opérationnel avec HoverTaxi, un nouveau type d’aéronef électrique biplace s’appuyant sur une infrastructure au sol de containers modulables, une interface de gestion du trafic aérien en milieu urbain et une application mobile de réservation. Comme les autres, il se focalise sur les déplacements urbains et péri-urbains, et à terme prévoit quatre types d’exploitation :

  • Événement : Nice / Monaco pendant le tournoi de Monte- Carlo
  • Point à point : Orly aéroport / Paris Gare de Lyon
  • Touristique : pour un survol de sites ou espaces naturels
  • En agglomération : pour lier des points stratégiques

Pour être rentable, le prix des courses d'environ trente minutes devrait se situer autour d'une cinquantaine d'euros. Le plus prometteur fut Ascendance Flight Technologies, une start-up française créée en 2018 par des anciens des équipes R&D d’Airbus et du projet E-FAN, qui ont développé une technologie faisant décoller et atterrir les avions à la verticale. L’idée est de proposer un service de taxi urbain (point à point) qui s’intègre aux réseaux d’héliports existants, avec une faible nuisance sonore et des coûts d’exploitation réduits. Aujourd’hui à l’état de prototype à l’échelle 1/3, le concept de taxi des airs sera équipé d’un moteur hybride (système de propulsion unique et breveté). Il pourra transporter quatre personnes et cela dans un rayon de 150km à une vitesse de 200km/h. La motorisation hybride n’est qu’une 1ère étape avant le passage au 100% électrique. La mise en service est planifiée pour 2024, et d’ici là, la start-up devra d’abord passer son prototype à l’échelle pour ensuite passer les différentes certifications nécessaires. Plusieurs partenariats avec des aéroports, des villes (européennes et asiatiques) et des exploitants d’hélicoptères sont en cours de discussion. Affaire à suivre !  

Cette 4ème édition du salon a tenu ses promesses et apporté des enseignements sur la transformation digitale qui s’accélère dans tous les secteurs grâce aux technologies toujours plus matures.